Une relation polyvalente : vivre avec le diabète et être diabétologue.


 

Entre la France et le Venezuela, rejoignez Elisa et suivez la trajectoire de vie de cette diabétologue qui vit aussi avec le diabète, sur un chemin de résilience et de dépassement de soi.

 

Parlez-nous de vous, quelle est votre relation avec le diabète ? 

Je suis diabétique de type 1 depuis l’âge de 10 ans. C’était en 1991. J’ai vécu cette maladie en France tout d’abord, où je fus diagnostiquée, puis je suis partie vivre au Venezuela. Le diabète est arrivé très tôt dans ma vie. Au début, je l’ai accepté comme tout enfant qui suit de manière responsable ce que ses parents lui disent de faire. À l’adolescence, je l’ignorais, ne me contrôlais presque plus, je vivais ma vie comme s’il n’y avait pas de diabète mais je faisais mes injections et j’essayais tant bien que mal de ne pas être déséquilibrée. Je n’allais plus chez le médecin. Je vivais au Venezuela à cette époque. J’ai tout de même été hospitalisée pour une acidocétose diabétique et j’ai dû passer quelques jours à l’hôpital au Venezuela. Ce fut une expérience transcendante dans ma vie. J’avais 13 ans. À l’âge de 15 ans je suis revenue en France, chez mon père. Comme mon diabète est très déséquilibré, j’ai été hospitalisée pour une semaine d’éducation thérapeutique avec des diabétiques de type 2. Ils n’avaient rien à voir avec moi bien sûr… J’ai découvert la sécurité sociale, et la prise en charge des diabétiques en France. Ce fut également une découverte qui marquera ma personne. Toutes ces expériences m’ont marqué et j’ai décidé très naturellement de faire des études de médecine. J’ai fait une première partie de mes études au Venezuela puis ma spécialisation en médecine interne en Catalogne pendant 5 ans, puis je suis parti faire une surspécialisation dans le diabète pendant 2 ans et je ne cesse de me former en diabétologie depuis. 

 

Pouvez-vous nous parler un peu de votre expérience au Venezuela ? 

Vivre dans un pays sans sécurité sociale, où l’accès à la santé se paie, est à l’opposé même d’un pays comme la France. Au Venezuela, je vivais ma vie en essayant de prendre en charge mon diabète. Je voyageais partout en faisant attention avec l’insuline mais sans la rigueur apprise en France, J’utilisais des flacons d’insuline périmés et des bandelettes périmées. Je réutilisais les aiguilles d’insuline, les lancettes. Rien n’était gratuit. Il n’y avait que des flacons d’insuline là-bas et pas de cartouches pour les stylos à insuline que je ramenais de France. On vivait avec 30 ans de retard. Je n’ai vu de pompes que vers 2009 en Europe et j’ai sauté le pas en 2016. 

Au Venezuela, ce fut extrêmement difficile pour moi de voir des diabétiques de type 1 sans insuline, notamment des enfants, dont les parents n’avaient pas les moyens pour leur payer de l’insuline. Je souffrais le martyr et beaucoup de fois j’apportais mon appareil de glycémie capillaire pour leur en faire une. Il n’y avait pas de lecteur de glycémies à l’hôpital universitaire de Caracas, l’un des plus prestigieux. Le contrôle de glycémie se faisait par voie veineuse toutes les six heures. J’ai halluciné… Je me souvenais en France des glycémies avant et après les repas et toutes les deux heures la nuit…

 

Quels sont les principaux enseignements que vous avez tirés ?

Tout d’abord la résilience. La maladie est une dure réalité, surtout quand on n’a pas les moyens pour payer l’insuline, et tout le matériel nécessaire à une bonne prise en charge (ce qui n’était pas mon cas). Par contre, en tant que médecin, j’ai appris à faire de la médecine avec ce qu’on avait, c’est-à-dire le plus basique. On arrivait à diagnostiquer les maladies en utilisant nos cinq sens et surtout les acquis théoriques qui étaient indispensables. On n’avait pas toujours accès au scanner, radiographies et toute la panoplie qu’on trouve en France…

 

Comment comparez-vous la situation du Venezuela à celle de la France ? 

On ne peut presque pas faire de comparaison. Ici, le diabète est pris en charge à 100 %. Là-bas c’est inimaginable. Quand on veut prendre une mutuelle privée, la maladie diabète ne vous donne aucun droit. Quand j’y étais, je cotisais pour la Caisse des Français à l’Etranger (CFE) ce qui me permettait de payer, en monnaie locale, tout mon traitement puis je le faisais rembourser. Mais j’étais privilégiée…

Au Venezuela, quand on a de l’argent, on peut avoir les mêmes prises en charge qu’en France dans les cliniques privées. 80 % de la population est considérée pauvre et va à l’hôpital, où hélas tout est différent. Il n’y a peut-être pas ce jour-là l’antibiotique nécessaire pour guérir une infection, ou pas le matériel nécessaire pour faire une opération… C’est une croisade difficile qui peut mener à des complications que les patients n’auraient pas eu, s’ils avaient été dans un pays comme la France.

 

 

Qu’est-ce qui, selon vous, est remarquable en France en ce qui concerne les patients diabétiques et les progrès médicaux et qu’est-ce qui, selon vous, doit encore être fait ?

Ce qui est remarquable en France, c’est l’accès aux soins. Malheureusement, beaucoup de Français oublient que cet accès provient des impôts, et que la santé a un coût malgré tout. Ce que je payais au Venezuela se paie également en France mais le patient ne le voit pas donc il pense que c’est gratuit. Il ne faut pas en abuser et malheureusement aujourd’hui il y a beaucoup d’abus…

 

Selon vous, qu’est-ce que tous les médecins devraient savoir sur le diabète du point de vue du patient ?

Le diabète est une maladie qui représente un deuil d’une vie passée. Il y a une charge mentale énorme quand on est diabétique. Il ne faut pas limiter le diabète au sucre, car le diabète de type 1 est une maladie qui est très différente du diabète de type 2 et il ne faut pas les confondre.

 

Quels sont vos projets actuels ?

Poursuivre ma croisade pour éduquer les patients, leur faire apprendre l’insulinothérapie fonctionnelle et leur donner la meilleure thérapie qu’il existe à ce jour. 

 

Où pouvons-nous vous trouver sur les réseaux sociaux ?

J’ai des comptes personnels mais je n’ai pas de compte professionnel. Ceci est également un projet futur.

WRITTEN BY Lucía Feito Allonca de Amato, POSTED 11/22/22, UPDATED 11/23/22

Lucy vit avec le diabète de type 1 depuis 30 ans, a la double nationalité espagnole et argentine et est diplômée en droit de l'Université d'Oviedo. C'est une partie active de la communauté du diabète en ligne, un sujet dans lequel il est constamment mis à jour. Il est également patient expert en maladies cardio-métaboliques chroniques de l'Université Rey Juan Carlos et militant pour les droits des personnes de la communauté LGBTQ+.