Steve Edelman: Pratiquer la médecine avec empathie
Le Dr Steve Edelman a été l’un des premiers à impliquer les patients dans la gestion de leur propre diabète avec Making the Connection. Il a également sensibilisé et motivé les personnes atteintes de diabète à jouer un rôle plus actif dans la gestion de leur maladie par le biais des activités de Taking Control Of Your Diabetes (TCOYD), l’organisation qu’il préside.
BT1 : DR. EDELMAN, AVEC LE RECUL ET TOUT CE QUE VOUS AVEZ ACCOMPLI, QUELS SONT, SELON VOUS, LES POINTS CLÉS DU POINT DE VUE D’UN ENDOCRINOLOGUE ?
Dr Edelman : En tant qu’endocrinologue, je pense que l’une des choses les plus importantes est que les patients reçoivent une bonne éducation. Vous ne pouvez pas les envoyer à des cours sur le diabète ennuyeux et vous ne devez pas leur enseigner le diabète par la terreur en utilisant des phrases comme “Si vous ne contrôlez pas votre glycémie, vous allez devenir aveugle”. L’endocrinologue doit connaître son public et son patient, car une femme de 90 ans atteinte de diabète de type 2 et un homme de 20 ans atteint de diabète de type 1 sont très différents. Je pense donc que le mot clé est l’empathie. Les professionnels de santé doivent faire preuve d’empathie envers leurs patients. Ils doivent également être bien informés des derniers développements en matière de diabète. De nombreux médecins sont tellement occupés par leur pratique qu’ils ne vont pas aux congrès et ne se tiennent pas au courant. Mais je pense, en tant qu’endocrinologue, que la clé est vraiment l’éducation, l’implication des patients et l’empathie. D’autre part, les diabétiques doivent avoir confiance en leur médecin. Les patients doivent placer le diabète en priorité dans leur liste, et cela prend du temps. Dans le diabète, il faut apprendre à connaître le patient et ce qui se passe dans sa vie.
NOUS SOMMES TOUS D’ACCORD POUR DIRE QUE L’EMPATHIE EST TRÈS IMPORTANTE, MAIS C’EST QUELQUE CHOSE QUE L’ON N’APPREND PAS À L’UNIVERSITÉ. IL N’Y A PAS DE MATIÈRE APPELÉE INTRODUCTION À L’EMPATHIE, N’EST-CE PAS ?
Malheureusement non. Et de plus, la plupart des médecins en école de médecine aux États-Unis reçoivent très peu d’enseignement sur le diabète, même si 25 % de leurs patients, quel que soit leur domaine de spécialisation, seront atteints de diabète. Et si apprendre à s’occuper des personnes atteintes de diabète est une chose et apprendre l’empathie en est une autre, les professionnels de santé devraient en être conscients et au moins en tenir compte. La première chose qu’ils devraient faire lorsqu’ils entrent dans une pièce pour voir un patient est de lui poser une question ouverte : “Quels sont les problèmes que vous rencontrez ? Quels sont les obstacles que vous rencontrez personnellement et qui vous empêchent de gérer votre diabète ? Ensuite, vous devez vous asseoir et écouter. Vous ne pouvez pas les interrompre au bout de quelques secondes car vous avez cinq patients qui attendent (et le médecin moyen interrompt son patient 13 secondes après avoir entamé une conversation). Donc, tant que vous ne pouvez pas écouter, vous ne pouvez pas vraiment aborder ce qui se passe avec ce patient. Pour que le patient prenne en charge son diabète, le professionnel de santé doit l’éduquer et l’impliquer. Dans la conversation un professionnel de santé, la communication doit être bidirectionnelle : du médecin au patient et du patient au médecin. À sens unique, cela ne fonctionne pas.
DIRIEZ-VOUS QUE L’EMPATHIE ET L’ENGAGEMENT DU PROFESSIONNEL DE SANTÉ INFLUENT SUR L’ENGAGEMENT ET L’IMPLICATION DES PATIENTS ?
Oui, c’est la clé. Lorsque le patient s’aperçoit que le médecin est empathique, tout s’améliore : de l’adhésion aux médicaments et à un mode de vie sain à l’amélioration du contrôle de la glycémie. En outre, les patients doivent avoir confiance en leur professionnel de santé. Lorsqu’un patient a confiance en lui, il est plus susceptible de suivre ses suggestions. L’empathie du professionnel de santé et la confiance du patient sont une bonne combinaison.
POUR DE NOMBREUSES PERSONNES, IL EXISTE UNE BARRIÈRE QUI LES SÉPARE DE LEUR MÉDECIN. COMMENT LA FAIRE TOMBER ?
Quand je suis au bureau avec quelqu’un, je ne m’assieds jamais en face du patient. Je m’assois à côté de lui. Et bien souvent, nous regardons les données du capteur de glycémie et d’autres résultats d’examens ensemble. La meilleure chose qu’un professionnel puisse faire est de s’asseoir à côté du patient et de regarder ensemble l’ordinateur. Le positionnement physique peut aider à réduire certains de ces obstacles et à augmenter la participation du patient dans sa gestion du diabète. C’est la partie la plus difficile. Et plus la relation avec les patients est bonne et étroite, plus ils seront engagés.
QU’EST-CE QUE TCOYD, VOTRE ORGANISATION ?
On m’a diagnostiqué un diabète à l’âge de 15 ans, puis j’ai fait des études de médecine. Lorsque j’ai obtenu mon diplôme, j’étais très enthousiaste à l’idée de devenir diabétologue. Les résultats d’une très vaste étude appelée DCCT [Diabetes Control and Complications Study] ont montré que si les médecins et les patients prennent la peine de maintenir leur glycémie aussi proche de la normale que possible, les complications peuvent être évitées. Mais même si l’étude a été publiée et diffusée, les choses n’ont pas vraiment changé au niveau communautaire. Les médecins sont très lents à adopter les nouveaux résultats de la recherche et à modifier leurs habitudes de pratique. C’est pourquoi, en 1995, j’ai décidé de transmettre directement aux diabétiques et à leurs familles les messages importants concernant une bonne santé. En 1995, j’ai organisé une très grande conférence pour les personnes atteintes de diabète au centre de convention de San Diego. À l’époque, c’était du jamais vu, car les congrès n’étaient organisés que pour les professionnels de santé. Après cette première conférence, j’ai été stupéfait de constater à quel point les diabétiques sont avides d’informations sur leur maladie.
Le plan était d’organiser un congrès par an à San Diego, mais nous avons fini par en organiser dix ou douze chaque année aux États-Unis. Nous avons fait cela pendant 25 ans avec un grand succès. Et puis, bien sûr, le COVID est arrivé et nous nous sommes reconvertis pour passer à l’espace virtuel. Je pense que le concept principal de TCOYD est d’éduquer les personnes vivant avec cette maladie et de les motiver à placer le diabète en tête de leur liste de priorités pour vivre une vie longue et saine. Il est également important d’inclure les soignants, maris, femmes, enfants, oncles et tantes, etc., car ils ont besoin d’être éduqués et motivés sur cette maladie autant que la personne atteinte de diabète. Car ils ont une grande influence sur leurs proches et tout ce qu’ils font pour essayer d’aider leur proche diabétique, ils le font par amour. Et c’est là tout le concept de TCOYD. Il s’agit d’éduquer et de motiver les personnes atteintes de diabète afin qu’elles puissent être super motivées, actives et engagées vis-à-vis de leur propre maladie.
LA DIGITALISATION ÉTAIT LA SEULE FAÇON DE CONTINUER SONT TRAVAIL PENDANT LE COVID, MAIS COMMENT CELA A-T-IL RÉELLEMENT AIDÉ LES GENS ? Y A-T-IL EU DES ASPECTS NÉGATIFS DANS LE PASSAGE AU VIRTUEL ?
En passant au format virtuel, nous avons pu toucher des millions de personnes dans le monde. Aujourd’hui, nous disposons d’un studio de télévision et nous ne faisons quasiment plus de présentations de diapositives. Nous disposons aussi d’une base de données contenant plusieurs centaines de conférences de qualité, qui peuvent être visionnées gratuitement à tout moment dans le monde entier. Nous faisons beaucoup de choses amusantes comme des sketches et des chansons avec des paroles sur le diabète. Nous ne pouvions pas faire ça avant. Et nous touchons les gens, dans plus de 200 pays maintenant.
Nous avons aussi lancé notre podcast, il y moins d’un an. Nous sommes beaucoup suivis, car chacun a sa façon préférée de s’informer, que ce soit en lisant, en regardant ou en écoutant. Et donc, à cet égard, cela a été formidable et très positif. Les gens peuvent regarder depuis l’intimité de leur propre maison. En outre, d’après les évaluations que nous faisons après nos conférences, nous savons qu’au moins 20 % des personnes qui regardent le programme le font avec quatre autres personnes ou plus, des membres de leur famille ou des amis. Et le fait que les gens regardent ensemble pour pouvoir ensuite parler des problèmes et d’autres choses de ce genre est comme une musique à mes oreilles. Et nous avons aussi cette nouvelle fonctionnalité que nous avons découverte sur YouTube et qui permet de fournir des sous-titres dans n’importe quelle langue*.
Le moment venu, nous avons beaucoup réfléchi à la question de savoir s’il fallait revenir au face-à-face ou rester au format virtuel. Le principal inconvénient du format virtuel est qu’il vous manque la sensation “d’être là”. En présentiel, vous êtes avec vos frères et sœurs diabétiques. C’est cette camaraderie, ces déjeuners en compagnie, les nouvelles rencontres. Et tout comme pour la conférence virtuelle, nous avons des contenus pour le type 1 et des contenus pour le type 2, et nous les réunissons à certains moments de la journée. Et rien ne remplace vraiment cela. C’est comme comparer une consultation virtuelle avec votre médecin à une visite en face à face. Nous organisons donc également une conférence en personne en août, la première depuis plus de trois ans pour les personnes atteintes de diabète de type 1 à San Diego. Elle se tiendra du vendredi au dimanche. C’est un événement incroyable pour les adultes atteints de diabète de type 1 : 700 personnes atteintes de diabète de type 1 se réuniront dans un endroit appelé Paradise Point. Et quand vous les voyez déjeuner ensemble, dîner ensemble, marcher ensemble, faire des activités ensemble, en plus des conférences officielles, c’est tout simplement incroyable. Les adultes atteints de diabète de type 1 ont besoin de passer du temps ensemble. Et c’est une autre chose que j’ai apprise : trouvez un ami diabétique, créez votre propre groupe de soutien, réunissez-vous chez lui, prenez un repas… le temps social est important.
LE FAIT D’AVOIR UN DIABÈTE DE TYPE 1 VOUS A-T-IL POUSSÉ À ÉTUDIER LA MÉDECINE OU ÉTAIT-CE UNE DÉCISION INDÉPENDANTE ? EN QUOI LE FAIT D’ÊTRE UN DIABÉTIQUE DE TYPE 1 COMPLÈTE-T-IL LE MÉTIER D’ENDOCRINOLOGUE ?
On m’a diagnostiqué un diabète de type 1 quand j’avais 15 ans et je voulais déjà être médecin. Je n’avais jamais vraiment pensé à me spécialiser dans le diabète, mais j’étais étudiant en médecine à l’UCLA et, vers la fin de ma formation, j’ai eu l’occasion d’obtenir une maîtrise en endocrinologie. Cela m’a vraiment aidé à entrer à l’école de médecine, car j’avais une année de formation supplémentaire, et cela a définitivement orienté ma carrière vers l’endocrinologie. Et je dirais que la meilleure chose qui me soit arrivée, c’est d’avoir un diabète de type 1, tant sur le plan professionnel que personnel. Cela m’a aidé à orienter ma carrière vers le diabète, tant de type 1 que de type 2. Vivre avec le diabète m’a donné plus d’empathie pour mes patients, car je sais ce qu’ils vivent. Mon diabète m’a vraiment permis de développer de meilleures relations avec mes patients. Ils savent que je suis de leur côté. Cela a donc fait une grande différence.
* YouTube permet aux utilisateurs d’utiliser le mode sous-titrage en sélectionnant la langue de leur choix. Le Dr Steve Edelman et le Dr Pettus l’expliquent ici et ici.
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