Le diabète dans le monde. Un entretien avec Dr. Akthar Hussain (IDF)
Note de la rédaction : Selon les données de l’index du diabète de type 1 ( Index DT1), il y a actuellement 8,7 millions de personnes atteintes de diabète de type 1 dans le monde et on estime que d’ici 2040, ce nombre atteindra 17,4 millions. On estime que 3,9 millions de personnes dans le monde seraient encore parmi nous si elles avaient accès aux outils de gestion du diabète et à l’éducation. En raison de ce manque d’accès, chaque personne vivant avec cette maladie dans le monde a perdu en moyenne 32 années de vie saine.
Lors du Congrès 2022 de la Fédération internationale du diabète (FID), Lucy, membre de notre équipe de rédaction, a rencontré le professeur Akhtar Hussain, président de la FID, pour en savoir plus sur cette organisation, ses programmes et sa position sur l’état actuel du diabète dans le monde.
BT1 : Vous êtes actif dans le domaine du diabète depuis plus de 25 ans. Quelle est l’évolution qui a le plus influencé votre façon de travailler dans ce domaine et pourquoi ?
Professeur Akhtar Hussain : Je pense que l’on prend de plus en plus conscience de l’importance du diabète et des MNT (maladies non transmissibles). Lorsque j’ai commencé ma carrière dans le domaine du diabète, les gens avaient l’habitude de considérer les MNT ou le diabète comme un problème ou une maladie de riche. Pour eux, le diabète n’était pas lié à la pauvreté. Ils pensaient davantage aux maladies infectieuses. L’attitude des gens a changé. Par exemple, l’Organisation mondiale de la santé affirme que le diabète est la maladie la plus meurtrière au monde. Cela dit, je suis surpris de constater que, malgré un changement politique et des financements, les gens continuent de penser que, dans les pays en développement, le plus gros problème est celui des maladies infectieuses et non celui des maladies non transmissibles ou du diabète. Aujourd’hui, nous consacrons moins de 2 % du budget mondial aux MNT, alors que nous savons que plus de 65 % de la mortalité mondiale est liée aux MNT. Il y a donc un décalage. L’augmentation des MNT est due au fait que nous contrôlons mieux les maladies infectieuses.
Bien sûr, le COVID-19 a créé des initiatives. Mais cela dit, il n’y a pas d’action politique soutenue ni de financement pour le secteur des MNT. Au cours des 25 dernières années, de nouveaux médicaments utiles aux personnes atteintes de diabète ont vu le jour. Il existe également de nouvelles directives cliniques. Mais de mon point de vue, presque aucune de ces directives actuelles n’aborde la question de la race et de l’ethnicité. Et nous savons que le métabolisme et l’efficacité des médicaments, y compris la dose de médicament, diffèrent selon l’origine ethnique mais nous n’avons pas d’essais cliniques adéquats, nous n’avons pas de directives adéquates qui soulèvent ces différences.
Nous avons des directives scientifiquement très solides. Mais 80% de la population mondiale ne peut pas utiliser ces directives. La FID a donc pris l’initiative de créer un deuxième niveau pour ces directives basé sur les meilleures alternatives, parce que beaucoup de gens ne peuvent pas suivre les directives officielles.
Le diabète et les maladies non transmissibles sont en augmentation et constituent une cause majeure de mortalité. Cela a été accepté par la plupart des pays. Mais aucune mesure n’est prise malgré ces constatations. De nouveaux médicaments sont apparus, mais leurs prix sont hors de portée pour 80 % des personnes atteintes de diabète. Comme vous le savez, une personne sur deux dans le monde n’a pas un accès régulier à l’insuline. En Afrique sub-saharienne, une personne sur sept n’a pas accès à l’insuline. Même 100 ans après la découverte de l’insuline, des centaines et des milliers de personnes perdent la vie à cause du manque d’insuline. En 25 ans, j’ai connu plus de déceptions que de joies. La Fédération internationale du diabète joue un rôle particulier, mais elle n’est pas une source de financement. Nous avons des missions de plaidoyer, mais la communauté internationale n’est pas encore prête à écouter les faits sur le terrain. Elle cible plutôt les maladies dites liées à la pauvreté, prédéfinies comme la tuberculose, le paludisme et le VIH.
Pour ceux qui ne connaissent pas le travail de la FID, quelle est sa mission à l’heure actuelle ?
Notre mission était auparavant de vivre dans un monde sans diabète, mais nous avons changé notre mission car ce n’est actuellement pas la réalité. Aujourd’hui, la mission de la FID est de promouvoir les soins, la prévention et la guérison du diabète dans le monde entier.
Il y a de plus en plus de personnes atteintes de diabète dans le monde : pouvons-nous travailler pour le prévenir ? Qu’est-ce qui manque ?
Tout d’abord, nous manquons toujours de données, surtout au niveau national. En ce qui concerne la prévention, la plupart des médecins, surtout dans les pays pauvres et à revenu intermédiaire, ne considèrent pas la prévention comme faisant partie intégrante de leur travail. Ils pensent que leur travail consiste à administrer des médicaments. Par conséquent, les médecins ne sont pas assez impliqués. Et de nombreuses communautés ont des problèmes de confiance lorsque les médecins ne sont pas impliqués. Et je pense que c’est quelque chose que les médecins devraient apprendre : si vous voulez travailler dans le domaine du diabète, la prévention et l’éducation sont les principaux outils. Un autre de nos objectifs devrait être d’inclure différentes populations dans les essais cliniques, car nous avons constaté que les mesures de prévention doivent être différentes selon les populations.
Dans l’un dans mes travaux, j’ai constaté aussi que les personnes atteintes de diabète ont un IMC de 23. Autrement dit, les personnes qui perdent du poids ont en fait un risque plus élevé de diabète que celles qui stabilisent leur régime alimentaire. Ainsi, les patients devraient davantage essayer de stabiliser leur poids corporel plutôt que de le perdre. Or, nous avons toujours appris qu’en réduisant le poids corporel, on réduit le risque de développer un diabète.
Nous savons qu’il existe des pays où les traitements du diabète ne sont pas accessibles à tous. Quel est le plan de la FID pour œuvrer dans ce sens ?
La FID a travaillé sans relâche pour obtenir une résolution de l’OMS en 2021. Nous avons demandé à toutes nos associations membres de se mobiliser auprès de leur gouvernement afin qu’il puisse faire pression sur l’OMS pour créer une résolution sur l’accès mondial à l’insuline. Ces efforts n’ont pas abouti pour un certain nombre de raisons. L’un des obstacles était que certains des pays riches ne soutenaient pas cette motion. Nous travaillons désormais avec la FRDJ avec qui nous avons signé un protocole d’accord pour garantir un accès mondial à l’insuline.
Aujourd’hui, j’ai parlé à certains dirigeants de pays africains, qui se sont engagés à créer une industrie de l’insuline en Afrique afin de garantir l’approvisionnement en insuline dans la région. Nous faisons donc des efforts. En 2022, nous avons pu signer la résolution de l’OMS sur la prévention des maladies non transmissibles par la prévention du diabète.
Un adulte sur deux n’est pas diagnostiqué, comment la FID suggère-t-elle de travailler sur le diagnostic précoce ?
Les objectifs mondiaux en matière de diabète de l’OMS en 2022 incluent le diagnostic en temps opportun. La FID soutient depuis longtemps cet objectif et vise un diagnostic du diabète à 100%. La FID a longtemps été l’un des principaux défenseurs de cet objectif.
Un message à toutes les organisations de diabétiques du monde entier sur la façon dont elles peuvent aider la FID ?
Malheureusement, nous constatons encore une approche fragmentée dans la lutte contre le diabète, ce qui semble inefficace. Nous devons mobiliser nos efforts. Nous devons également reconnaître que nous sommes la plus grande organisation de lutte contre le diabète au monde, avec plus de 172 pays et 240 organisations. Nous devrions mobiliser tous nos efforts pour créer des politiques. De cette façon, nous serons plus efficaces dans l’adoption de politiques, tant pour l’OMS que pour les gouvernements nationaux, afin de fournir un soutien adéquat aux personnes atteintes de diabète, car les efforts individuels et fragmentés ne sont pas très utiles.
Qu’en est-il de la résolution du Parlement européen et comment pouvons-nous soutenir les organisations ?
La FID couvre sept régions grâce à 7 bureaux différents. Un de ces bureaux est la FID-Europe. Ils sont très actifs au sein du Parlement de l’Union européenne et travaillent au nom de la FID.
En tant que professionnel de santé, quels conseils donneriez-vous aux personnes atteintes de diabète pour qu’elles s’engagent activement ? Comment et de quelle manière devenons-nous des militants ?
À la FID, nous avons un programme que nous appelons “Young Leaders in Diabetes”. Ces jeunes leaders sont nos défenseurs. Mais chaque organisation, chaque personne atteinte de diabète est notre défenseur.
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